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Le grain de café

Le petit commerce a du bon, de l’excellent même !

Quand nous habitions dans les Pyrénées-Orientales, notre fournisseur officiel de caféine avait pignon sur rue à Perpignan, Rue des Anges. Et son atmosphère, ses produits et son accueil me propulsait au 7ème ciel. Mais au moment d’emménager en Aveyron, nous craignions fort de ne plus avoir de brûlerie "à proximité". Que nenni !

Rappelons tout de même que nous avons déménagé de nombreuses fois dans les P.O., mais que nous nous sommes toujours trouvés à minimum 3/4 d’heure de Perpignan. Et en emménageant à Azinières, 10 minutes top chrono de Millau, certes il faut rajouter 5 minutes pour nous retrouver en plein centre ville... mais du coup, nous sommes beaucoup plus proches d’un excellent marchand de café !

Je n’ai pas mis longtemps à le trouver, car il est bien en vue Place Emma Calvé, et de toute façon, il aurait pu se trouver dans une minuscule gargote dans une ruelle exiguë dont Millau a le secret que je l’aurais malgré tout découvert, car j’ai deux vices que j’assume totalement.

Mon premier vice ? Je consomme quotidiennement un seul et unique café (enfin, à quelques exceptions près), mais ce café unique du matin se doit d’être succulent et exclusivement préparé avec ma vieille cafetière italienne, qui nécessite donc une mouture particulière du café, et donc je dois me fournir dans une brûlerie. Là, je sais, je pourrais très bien acheter un moulin à café et moudre moi-même mon café à la mouture adéquate. Certes, mais je boycotte cette solution pour deux raisons : primo il n’est pas évident de trouver un bon café en grain dans le grand commerce, ce qui fait que nous devrions tout de même aller en brûlerie ; secundo je ne pourrais pas avoir une bonne excuse pour aller dans une brûlerie, or fréquenter une brûlerie est un petit plaisir de la vie que je n’ai pas du tout envie de me priver ! D’ailleurs, je ne suis plus la seule à apprécier ce moment : Mathias adore admirer la machine à brûler, qu’elle fonctionne ou pas. Quelle belle mécanique... Et lorsqu’elle fonctionne, son ronronnement, les senteurs qu’elle dégage, ainsi que sa douce chaleur... Tout cela nous subjugue.

En plus, pénétrer dans l’antre du torréfacteur, c’est encore mieux que d’entrer dans une agence de voyage : pour beaucoup moins cher on voyage à travers le monde en un temps record : Costa Rica, République Dominicaine, Papouasie, Brésil, Mexique, Colombie, Ethiopie... Regarder le mur d’étiquettes des différents cafés proposés fait rêver. Et ça cultive, même ! Saviez-vous que le breuvage privilégié de Rimbaud était un Moka Harrar ? Certes, le personnage ne fait plus franchement rêver en fin de carrière, mais dans sa jeunesse, il nous a tout même livré des poèmes magnifiques, qu’il est toujours plaisant de relire.

Mon autre vice ? Je suis complètement incapable de me balader dans une ville sans fureter partout. Ce mal m’a prise à Nancy, que j’ai arpenté à pied en long, en large et en travers, durant ma licence et ma maîtrise. En effet la ville de l’Art Nouveau offre des façades fabuleuses, qui incitent les curieux à lever le nez en permanence. Mon D.E.S.S. à Lille , capitale du Nord avec une architecture bien particulière ne m’a pas guérie... Vannes ou Pontivy en Bretagne, Clermont-Ferrand, Aix-en-Provence, Beaune ou Dijon, bref, les pérégrinations de mes parents ou de mon chéri ont bien sûr entretenu cette manie. Depuis, je ne peux m’empêcher de scruter les façades, les ruelles, les petites cours intérieures des villes. Et cette habitude réserve souvent de bonnes surprises. On déniche des petits trésors architecturaux, des petits commerces improbables ou des toponymes incongrus.

Enfin, quoi qu’il en soit, nous bénéficions des services d’un marchand de café fantastique. Son magasin, comme la plupart des brûleries, est petit, mais il est rarement vide de clients, notamment le vendredi matin, quand le grand marché de Millau bat son plein. Là, toutes les tables sont prises, la consommation de café doit atteindre un pic impressionnant. Ce qui est très appréciable, chez lui, c’est qu’il connaît ses produits. Pas de café aromatisé à la vanille ou à la noisette comme à Perpignan, ce qui ne manque pas le moins du monde : un café n’est pas un soda. Que du café café. Ce qui m’a étonnée au début, c’est qu’il propose du Robusta... Mais si ses clients en demandent, pourquoi lui en vouloir ? Cependant il a d’excellents Arabica, qu’il sait torréfier avec passion.

Par exemple, mon petit pécher mignon, c’est d’acheter une fois par an, pour les fêtes de fin d’année, un petit paquet de fameux Blue Mountain. Ce café est extraordinaire : intense, il n’a aucune amertume, et son parfum est riche et profond. Bref, THE café absolument indispensable pour passer le cap de l’année achevée vers la nouvelle année. Son prix est prohibitif, mais je craque une fois par an... On ne se refait pas !

Cependant, le "cafetier" a su me convaincre de goûter un Maragogype, pas exactement identique - on ne peut pas faire un Arbois avec du Bourgogne - mais succulent. Ce café est surprenant : il a une couleur ambrée étonnamment clair, et une odeur douce. J’avoue que son goût est très bon, toujours doux, sans amertume. Bref, pour bien moins cher, on déguste un café excellent, très spécial. Le plus spécial, c’est qu’il développe cet arôme très particulier grâce à une torréfaction tout aussi particulière. Sans le talent de cet artisan millavois, il n’a pas le même goût ! Donc si j’essaye de m’en procurer ailleurs, il n’aura certainement pas le même intérêt, même s’il sera bon. Bref, ce marchand de café maîtrise la torréfaction, fait des essais pour développer de nouvelles notes caféinées, et c’est vraiment génial d’avoir un tel bonhomme à Millau !

En plus, non seulement il est doué côté café, mais il sait s’entourer de charmantes serveuses, et il est épatant par sa confiance envers le client : il fournit la Caminade en café pour le bar, et il nous prête une machine à café pour ces occasions, gratuitement. Vous me direz qu’il le fait puisqu’ il est assuré de nous vendre du café. Certes... Mais il nous prête ce matériel en toute confiance, sans demander de chèque de caution, sans vérifier d’un œil inquisiteur ou soupçonneux l’appareil au retour. Bref, la confiance ! C’est tellement rare de nos jours, qu’il faut vraiment apprécier ce geste à sa juste valeur.

Bon, si en plus il me dégote du thé blanc Paï Mu Tan bio en vrac, je ferai des infidélités à la Biocoop !


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