Notre cocotte a un sérieux problème : elle ne fait plus de pression, donc perd toute son utilité de cuit-vapeur...
Et oui, comme tous les couples s’installant dans la vie, la famille nous a offert lors de l’un de nos premiers noëls ensemble une superbe cocotte minute toute rutilante de la marque française S.B - j’ai ôté la lettre du milieu pour ne pas faire de pub, mais je suis sûre et certaine que vous l’aurez tous reconnue. Cela remonte désormais à quelques années ! Et comme mon chéri est un homme qui cuisine - même après toutes ces années de vie commune... Il faudrait peut-être que je m’inquiète quant à mes capacités de cuisinière... - je l’ai toujours connu avec un livre de recettes spécialement conçu par Françoise Bernard pour la même marque. En bon vieux garçon célibataire qu’il était, il avait récupéré ce petit guide auprès de sa maman, voire de sa mémé. Bref, le livre date passablement, et inutile de vous dire que la cocotte que nous possédons ne ressemble plus guère aux modèles présentés dans le vieux bouquin ! Fini aujourd’hui les soupapes amovibles, les couvercles à visser / dévisser infernaux. Non... Maintenant, la soupape est insérée bizarrement, et quand elle commence à vieillir, impossible de la changer... Et pour fermer le fait-tout, il suffit de "clipper", traduire appuyer simplement sur le bouton. Cependant, nous avons visiblement un problème de fermeture de notre magnifique engin de cuisson vapeur. D’où vient le problème ? Et comment se passer de cet ustensile devenu indispensable à la cuisine de la vie moderne ???
De deux choses l’une : soit le joint est à changer (c’est fort possible vu son âge et vu sa perte d’élasticité), soit la soupape est à changer (elle montre des signes de faiblesse). Peut-être même les deux ! Mais avant de diagnostiquer quoi que ce soit, je décide d’ouvrir la fameuse édition, espérant malgré son âge avancé trouver un indice quant à cette panne. Et là, j’avoue que ce que j’y trouve m’a beaucoup divertie ! Voici un aperçu des photographies illustrant un texte tout aussi décalé. Oh et puis zut ! Vous allez voir clairement la marque, tant pis.
Détail d’importance : chaque photo des plats illustrant des recettes du recueil contient un rappel au temps : une horloge, un réveil, tout ce qui peut rappeler le leitmotiv de la marque : "gagnez du temps pour vous grâce à nous", à la manière d’un éléphant dans un magasin de porcelaine. Dieu merci les publicistes ont évolué en finesse (enfin, certains). En outre, toutes les photos arborent les couleurs "Derrick" - vous savez ce vert-gris-marron inimitable, dont seuls les allemands ont le secret - enfin, c’est ce que je croyais jusqu’à présent vu que ce livre a été imprimé en Italie et réalisé en France par des Français, finalement, force est de constater que cette prouesse est européenne et non uniquement allemande. Bref, ouvrir ce livret, c’est faire un flash-back vers les années 60 - 70. Ca rappelle également qu’autrefois on savait s’habiller avec plus d’élégance, un peu comme en Afrique. C’est vrai, c’est toujours impressionnant de voir des sénégalaises sortir de leur case - réduite à la plus simple expression de ce que peut être une habitation : des murs et un toit - habillées de robes superbes en wax, aux couleurs chatoyantes, pas froissées, avec classe, et très soigneusement coiffées. Ces femmes n’ont pas besoin de marques de prêt-à-porter pour se faire remarquer ! Et là, inévitablement, on réalise que la plupart des européens sont toujours "mal froqués" (désolée de l’expression, mais il faut bien appeler un chat un chat), que ce soit avec leurs tenues de touristes ou avec leur tenue habituelle. On ne sait plus se vêtir ni se coiffer avec distinction. Toutefois, le coup du homard, c’est vraiment too much, on n’y croit plus du tout, même pour les années 60 !
J’ai vainement cherché une date de publication. Mais vu les coiffures, le style des photographies, ça date de quelques décennies. J’ose espérer que c’était avant 1968 ! Sinon, la libération de la femme n’a pas été aussi flagrante que cela après "les évènements", ou du moins le phénomène n’a pas touché la Côte-d’Or, département d’origine de la marque au triangle rouge.
Après avoir bien rigolé des textes et des photos, j’ai voulu en savoir plus sur les auteurs, les éditeurs, etc... Et bien sûr, avec un contenu qui évoque la femme soumise au fourneau du début des années 60, je n’ai pas été étonnée de voir que malgré la signature des recettes par cette chère Françoise Bernard, tout le reste de la clique qui a réalisé ce livre est exclusivement masculin... Que des bonshommes ! A la photographie, la direction artistique, technique, et sous la responsabilité d’un homme encore et toujours. Ceci explique peut-être cela.
Enfin, tout cela ne m’explique pas pourquoi cette fichue cocotte ne fonctionne plus. Je m’en vais acheter un joint de rechange, en croisant les doigts pour que cet achat aboutisse au sifflement souhaité, sinon, un achat bien plus conséquent s’avèrera nécessaire ! Mais comme nous n’avons pas prévu de nous remarier d’ici notre retraite (si un jour on en a une), l’espoir d’un cadeau miraculeux s’évanouit, ça risque d’attendre un petit moment. Combien elle coûtait la Super-Cocotte S.B en 1960 ? 25 000 francs ? L’investissement d’une vie entière pour la popote d’un couple , quoi. C’était quand même avant la crise du pétrole de 1973... Combien de temps a duré notre cocotte Clipso ? 10 ans... Et la prochaine ? Et en plus de nos jours, fini le petit livret de 300 recettes offert gracieusement pour tout achat d’un auto-cuiseur. On n’a vraiment pas intérêt à abîmer ce vieux livre de recettes de Françoise, c’est un collector qui n’a pas de prix.
J’espère que ce problème sera résolu avant la soirée soupe / crêpes / carnaval de l’école de St Bô ! Sinon, que vais-je pouvoir préparer ??? Non, j’plaisante, rassurez-vous : on sait encore cuisiner sans cocotte minute, même si nos mamans et nos grands-mamans ont utilisé cet ustensile de cuisine et nous en ont donc montré l’usage. Notre enfance a été bercé par le sifflement de la cocotte, puis par l’appel de la femme en détresse face à ce couvercle qui s’obstinait à ne pas s’ouvrir, puis par le "alors, heureuse ?" du mâle qui réussissait là où la ménagère échouait à dévisser. Si si, on sait utiliser une cocotte pas minute, pour faire des petits plats mijotés. Alors ça mijote, ça chaudronne, ça mitonne. Et finalement, on a un vrai regret : pourquoi on n’a pas récupéré la cuisinière à bois de nos grands-mères, pour cuisiner et nous chauffer à pas cher ?
Vive la vie moderne, la femme libérée des tâches ménagères, qui du coup à le temps d’aller acheter plus souvent des cocottes minutes.
A propos de cet article
Publié: lundi 2 mars 2009.
- Lu à
- 1001 reprises.
- Commentaires :
- 0
- Rubrique : Des nouvelles du coin cuisine
- Mots clés:
- cuisine