J’ose élargir temporairement mon horizon, et transformer cette rubrique "du village" en rubrique franco-française, pour m’autoriser à réagir quant au dernier bouquin d’un pseudo journaliste prénommé François, qui avec son physique d’éternel premier de la classe, veut se faire remarquer en proposant de simplifier l’orthographe de la langue française... Mais peut-être n’est-ce qu’une stratégie pour finir ministre de l’Education ?
Rassurez-vous, je n’ai pas acheté son torchon, mais j’en ai déjà trop entendu parlé, rien qu’en écoutant la radio. Ce môssieu est venu vendre sa camelote mais ne m’a pas convaincue, loin s’en faut. Vu le niveau de ses propos à l’antenne, je doute même qu’il pense sérieusement convaincre qui que ce soit. Ce n’est que pour faire parler de soi qu’on peut se lancer dans pareil combat, perdu d’avance, même à l’heure des SMS et de leur langage codé.
D’abord, les français sans cédille seraient aussi mal barrés que la dernière syllabe des francs-maçons... Et il estropierait son prénom du même coup... Franquoi ? Et tant qu’on y est, on pourrait écrire les noms de famille en toute liberté, ajoutant un T ici, un S là. On pourrait même cesser de les affubler d’une majuscule à leur début ? Sauf pour le président de la république, naturellement ! Son nom, à lui, par contre, on aurait le droit de lui mettre des talonnettes ? Mais discrètement, pour ne pas le froisser. Et à côté, on pourrait écrire "carla" en taille 11 au lieu de 12, tout aussi discrètement. Et alors là, tout rentrerait dans l’ordre, ce serait la grande classe. Ce serait la fin de la crise même !!! On pourrait lire les chiffres à l’envers, et du coup, les gouffres financiers deviendraient des montagnes d’argent à dépenser en pétrole !
Non mais vous imaginez, si en plus, quitte à faire la peau à l’orthographe, on éliminait encore un peu de sens à nos médiocres écrits en zigouillant toute ponctuation ? Yes, on pourrait passer à la guillotine la moindre virgule, point virgule, et tant qu’on y est, les espaces, traits, parenthèses et point à la ligne. Les dictées deviendraient des longs monologues monocordes monotones, une phrase gigantesque, sans début ni fin, qu’on pourrait écrire avec du sang bien frais de ce monsieur trop propre sur lui pour être honnête, et à qui on aurait ôté sa particule. Alors Monsieur de Closets, ça vous dit encore ?
Par exemple, ça donnerait :
"mékeskidispovconcasstoatettedeuftupu"
Bon, mieux vaut pas envoyer ce genre de courrier avec une balle de calibre 9, on pourrait vous envoyer en prison... C’est le problème de ce genre de lettre : l’interprétation...
Du coup, le top de l’exercice de fransé, ce serait de faire des frases lisibles dans n’importe quel sens. On ferait des palindromes à tire larigot, pour briller en sossiété. Bon, moi, les palindromes, j’en connais pas beaucoup, mais rien que "NON", c’en est un que j’utiliserai beaucoup alors. Les plus intelligents deviendraient juifs, et réciteraient la thora à longueur de journée. Le plus gros livre qu’on puisse lire de la fin au début sans passer pour un C..
Non, définitivement, je jette sa copie aux ouaterres illico, à ce meussieu des closettes : elle ne vaut pas mieux. Et attention, être révolutionnaire, c’est dangereux. Il suffit de voir comment les plus grands révolutionnaires ont terminé. J’vous dis, ça sent la guillotine et la fumée pour ses bouquins ! Au brasier, comme à l’époque de la terreur ! On va le soumettre à la question, et en cas de repentance, on consentira peut-être à lui donner une punition plus douce, du genre : "je ne me ferai plus remarquer en écrivant des âneries" à écrire au tableau 100 fois.
Et puis, qu’est-ce que les cancanières auraient à se dire devant les écoles, si les instits ne corrigeaient plus les fautes d’orthographes de leurs chérubins ! Voire si les maîtresses adressaient des mots aux parents dans les cahiers de liaison, plein de fautes ! Parce que les élèves, qu’ils fassent des erreurs, c’est normal, mais les profs, tout de même... ca fait mauvais genre.
Certes, on bousille la planète, à grand coup de nucléaire, de giclées de pesticides, de dégazages intempestifs, etc... Certes, dans quelques générations nous n’aurons peut-être plus qu’un oeil sur chacune de nos trois têtes, mais j’ose espérer que le genre humain aura encore le plaisir de savourer quelques jeux de mots que le français permet avec délectation. On lira encore avec bonheur les billets d’un Vincent de Roca écrits dans les règles de l’art. Bref, nous devons croire en l’avenir !
Et honnêtement, le français paraît trop compliqué pour Monsieur de Closets... D’accord, j’entends bien. Mais dans ce cas, que dire d’autres matières ? Est-ce que, sous prétexte que mon fiston va se révéler nul en calcul, il va falloir décréter que "1+1 =4", et changer les règles élémentaires des maths pour autant ?
Et quand je pense à tout ce que j’ai pu découvrir en ouvrant une encyclopédie pour vérifier l’orthographe d’un mot ! C’est vrai, on ouvre un ouvrage pour un mot, et finalement, notre oeil est accroché par-ci, par-là, et on trouve des trésors. Plus d’orthographe, plus de recherche dans un dictionnaire, et plus de surprises supplémentaires. On reste dans notre petit pré carré, avec nos 100 mots de base, tout juste de quoi SMSer avec notre gadget dernier cri qu’on a accepté d’acheter juste pour éviter un nouveau suicide à France Télécom, par compassion pour le vendeur désespéré par ses chiffres du mois dernier.
Allons, restons sérieux, et surtout honnêtes : l’orthographe n’est pas tout droit sortie de nulle part. Elle relève un peu, aussi, de l’étymologie, de l’histoire de notre langue, alors à défaut de préserver notre planète bleue, disparaissons dans la dignité, en préservant notre orthographe, et en adressant nos excuses aux générations futures avec le moins d’erreurs possibles dans notre tout dernier courrier. Qu’au moins, on ne passe pas pour les derniers des derniers vauriens. Disparaissons avec panache, et pas dans un "escusénou" ridicule. Sauvons au moins les accents circonflexes de l’oubli, ils sont si rigolos. Sauvons les trémas, même s’ils sont casse-pieds, et les cédilles, pour que les français soient moins laids. A l’heure où tant d’étrangers en détresse tentent d’obtenir le droit de vivre en France, pour échapper à la misère, à la guerre, et tant d’atrocités inimaginables, et font l’effort d’apprendre notre langue si noble, dans laquelle les droits de l’Homme ont été écrits pour la première fois, croyons en l’avenir. L’orthographe complique notre vie bien tranquille et facile, malgré nos petits tracas quotidiens ? Et alors, est-ce si insurmontable alors que certains de nos concitoyens fraîchement naturalisés arrivent à l’intégrer ?
Son programme pour obtenir un poste haut placé au ministère risque d’être incompréhensible, avec trop de fautes d’orthographe... les contre-sens, voire les contrepèteries, peuvent lui coûter sa carrière, même ! C’est qu’il ne faudrait pas fâcher le petit Nicolas en écorchant son nom de famille.
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Publié: vendredi 2 octobre 2009.
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- Rubrique : Des nouvelles du village
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Bonjour Anne,
Je m’appelle François également (mais pas "de Closets") et je vous écris depuis Saint-Mandé (94).
Bravo pour votre analyse que je partage entièrement.
Ce n’est pas parce que François de Closets est nul en orthographe qu’il doit imposer sa nullité aux autres.
> En comparaison, voir la polémique au sujet de la réforme de l’orthographe en allemand.
Certes, l’allemand n’est pas la langue française, mais le mécanisme de vouloir "réformer" l’orthographe (sans concertation avec la population concernée) relève du même principe, à savoir : éradiquer les langues nationales, ou du moins les affaiblir, au profit d’un "Global English" qui n’est pas à confondre avec la véritable langue anglaise = the real English.
Exemple : die Schloßstraße (ancienne orthographe) s’écrit désormais Schlossstrasse (avec 5 "s" d’affilée pour un mot aussi court). Ou bien : "Schifffahrt" avec trois "f" ----> ça devient totalement illisible dans un texte.
Le signe allemand ß avait justement pour but d’éviter d’écrire des "s" à rallonge. D’ailleurs, la Suisse germanophone ne suit pas et ne reconnaît pas la validité de cette réforme.
La réforme de l’orthographe allemande est donc un échec complet. Introduite en 1996 (ça fait maintenant 13 ans), elle a tout compliqué au lieu de simplifier l’orthographe. Résultat, mes propres ami(e)s à Berlin, Dresden, Hannover, Leipzig, etc. ne savent plus eux-mêmes comment écrire une simple phrase.
Même le célèbre écrivain Günter Grass est monté au créneau et refuse que ses livres soient publiés avec la nouvelle orthographe.
En anglais, il existe également des différences. Par exemple : la couleur = the colour (GB), mais the color (USA), sans le "u". Dans ce cas bien précis, il s’agit simplement d’un usage différent entre les deux pays. Pas besoin de réforme pour ça.
De même, on écrit "the organisation" (GB), mais "the organization" (USA), avec un "z".
Les Anglais / Américains ne se cassent pas la tête avec une réforme. C’est comme ça, un point c’est tout.
La "réforme de l’orthographe" en portugais est un peu différente. En fait, il s’agit moins de changer l’orthographe que d’unifier le "portugais brésilien" et le "portugais du Portugal". (Pas mal de différences au niveau du vocabulaire). A noter que, contrairement au Québec par rapport à la France, le portugais est 17 fois plus parlé au Brésil qu’au Portugal (pays d’origine de la langue). Par conséquent, les rapports de force sont inversés.
Bien entendu, mes amis de Lisbonne (Lisboa) disent le contraire. Le débat est ouvert entre lusophones.
Pour la langue française, il serait très dangereux de vouloir "imposer" une réforme de l’orthographe. Une langue évolue au fil du temps, tout simplement.
A Paris, on dit "le week-end", au Québec, on dit "la fin de semaine". C’est à l’usage qu’on définit le vocabulaire.
Chère Anne, j’aimerais bien savoir qui vous êtes, ce que vous pensez de ma "prose".
Je vous souhaite une bonne soirée.
Bien à vous,
francois.rosicki@orange.fr